Après une éclipse de plus de quatre siècles, on assiste au milieu
du XIXe siècle à l’expansion soudaine d’un culte
patriotique en l’honneur de Jeanne d’Arc, dans l’histoire, la
littérature et les arts.
Au Bois-Chenu, un hêtre séculaire, “le Beau May”, s’élevait à
proximité de la “Fontaine des Fiévreux”, où Jeanne disait avoir
entendu ses Voix. En souvenir de quoi, au XVIe
siècle, une chapelle avait été érigée par Étienne Hordal, chanoine
de la cathédrale de Toul et arrière-petit-neveu de Jeanne.
Au XVIIe siècle ce sanctuaire était en ruine. Il ne
restait qu’une clef de voûte et une statue de Jeanne d’Arc
actuellement au Musée de la Maison natale.
C’est à cet endroit qu’après bien des hésitations, on devait
ériger le mémorial de Jeanne, dont la première pierre fut posée en
1881.
Propriétaire du terrain, le diocèse de Saint-Dié fit appel aux
Pères Eudistes pour gérer les travaux et organiser les pèlerinages.
Dès 1883, la crypte était construite, ainsi que le porche
constituant la base de la tour. Dès 1891, un vaste chantier va
monter en moins de dix ans : le clocher, la nef et l’Aumônerie des
Pères Eudistes.
En 1920 le comité du Bois-Chenu entreprit de réaliser le second
plan qui allait doubler l’église en surface, par l’adjonction d’un
large transept et d’une abside, donnant ainsi naissance à l’église
nationale Sainte-Jeanne d’Arc, puis en 1939 à la Basilique
Sainte-Jeanne-d’Arc.
Les travaux de construction se terminèrent en 1943 avec
l’installation des grandes orgues, puis en 1945, avec la réalisation
de l’escalier d’honneur, appelé “escalier de la paix”.
La Basilique Sainte-Jeanne d’Arc est une propriété privée, c’est
la raison pour laquelle elle ne reçut aucune subvention des
autorités publiques. Elle fut érigée uniquement par des dons venus
de toute la France, ainsi que de l’étranger.
Le sanctuaire a fière allure en dépit de son style
composite. Au-dessus de trois arcades, le premier étage s’éclaire de
fenêtres avec une loggia pour la prédication des grands jours. Dans
le beffroi, depuis 1897, cinq cloches chantent à tous les vents. La
flèche traverse symboliquement une couronne en souvenir des armes de
Jeanne d’Arc.
La statue de saint Michel qui dominait le dôme central
fut descendue pour être restaurée il y a quelque temps.
Sur l’esplanade nous y trouvons le groupe Allar (Jeanne et ses
Voix), la très belle statue de Jeanne sculptée par Paule Couteau,
ainsi que les statues de Jacques d’Arc et Isabelle de Vouthon, les
père et mère de Jeanne.
La crypte
Construite sous la nef de la Basilique, la crypte fut, en 1891,
dédiée à Notre-Dame des Armées. Elle était en effet le siège de la
Confrérie érigée sous ce nom et avait reçu un aménagement de
chapelle votive funéraire.
En 1968 les Pères Eudistes se sont employés à “débarrasser” le
mobilier et le décor : Les toiles de Monchablon représentant l’armée
de Terre et de Mer sont remisées ; la statue de N.D. des Armées est
supprimée, etc. Seule la statue de N.D. de Bermont resta en place.
La nef
Nous accédons à la nef en empruntant l’escalier de la paix, dont
la rampe est décorée des armes des principales villes marquées par
le passage de Jeanne d’Arc.
Notre premier regard se dirige sur le splendide plafond imitant
les basiliques romaines, avec ses poutres transversales en bois. Les
couleurs dominantes sont le rouge et l’or (couleurs de la Lorraine).
Les croix de Lorraine alternent avec les armes de Jeanne d’Arc.
Nous remarquons ensuite les trois travées éclairées de baies
géminées (six baies) ornées des armes de généreux donateurs.
Placées en dessous de ces baies, six toiles peintes par Lionel
Royer entre 1910 et 1913, sont marouflées sur les murs, tout au long
de la nef :
I – Au Bois-Chenu tous les détails sont
historiques : le paysage et la fontaine, le Beau May, avec la ronde
joyeuse sous les yeux de Pierre de Bourlémont et de Béatrix, son
épouse.
II – À Chinon, la comédie grotesque si bien
déjouée par l’intuition féminine : Jeanne reconnaît le Dauphin
déguisé, qu’elle n’a jamais vu !
III – Le 8 mai 1429 Jeanne est accueillie
triomphalement à Orléans libéré.
IV – La bataille de Patay : Scène de combat d’un
réalisme et d’une vigueur incomparables. Jeanne charge, son étendard
à la main.
V – Le sacre de Charles VII à Reims : Évocation
pleine de vie des acclamations qui saluèrent le couronnement. Au
milieu de l’enthousiasme général Jeanne tient son étendard à la
main. “Il avait été à la peine, il était juste qu’il fut à
l’honneur”.
VI – Le supplice de Rouen : La scène d’horreur
du bûcher, que fait ressortir davantage encore l’impassibilité des
Anglais. L’émotion de la foule et des juges au deuxième plan parle
éloquemment au cœur.
Dans le transept nous verrons deux autres toiles :
VII – La première communion de Jeanne dans
l’église de Domremy. Cette composition imaginaire ne reflète pas
l’ambiance de l’époque et le peintre n’a pas respecté le style
architectural de l’église du village.
VIII – La dernière communion de Jeanne : Cette
scène est très émouvante. Tout s’accorde pour engendrer la pitié…
Les moines suppliants… Le mépris, les ricanements des gardes
anglais… Une jeune fille recevant l’hostie pour la dernière fois…
L’apparition des Voix.
Lorsque nous sommes dans la nef, nous apercevons deux autels aux
extrémités de celle-ci. Voici l’explication : Le plan initial ne
comportait pas de transept ; le chœur se trouvait sous la tour, à
l’est, avec un autel dédié à saint Michel. À la reprise des travaux
en 1890, ce plan parut insuffisant. On décida de construire un
transept et une abside à l’ouest, qui abriterait l’autel de Jeanne
d’Arc.
Le transept et l’abside sont articulés par une vaste coupole sur
pendentifs.
La mosaïque absidiale en
cul-de-four
Elle fut réalisée en 1929, par les Établissements Lorin de
Chartres, d’après les cartons du Lorrain Pierre-Dié Mallet.
Le Père éternel, assisté du Saint-Esprit transmet son message à
saint Michel, qui de concert avec les saintes Catherine et
Marguerite, en fait part à Jeanne debout sur son piédestal de
l’autel majeur.
L'autel de Jeanne d'Arc
De part et d’autre sont dessinés des personnes qui ont travaillé
à la glorification de Jeanne d’Arc.
À droite, de droite à gauche :
Le maréchal Foch ; le Père Létendard ; Paul Sédille ; Mgr. De
Briey ; Mgr. Dupanloup ; le chanoine Bourgaut et Étienne Hordal.
À gauche, de droite à gauche :
Mgr. Foucault accompagné de son porte-crosse ; le pape Pie XI ;
Mgr. Sonnois ; le chanoine Cousot ; Mgr. Curien et le Père Lajoie.
La mosaïque hémisphérique de la croisée du
transept
Installée en 1934 par les Établissements Lorin de Chartres
d’après les cartons de Henri Pinta, elle évoque l’apothéose de
Jeanne.
Du bûcher de Rouen, l’héroïne vêtue de sa robe de sainteté
s’élève en direction du ciel où trône la Trinité. Elle est
accueillie par la Vierge et par ses conseillers : saint Michel,
sainte Catherine et sainte Marguerite, ainsi que par de nombreux
autres saints et saintes de France, à la tête desquels figurent
saint Louis et Charlemagne.
Les deux mosaïques des absidioles du transept sont également
des Établissements Lorin de Chartres, d’après les cartons de Henri
Pinta. Au nord, le Christ-Roi ; au sud, Notre-Dame de Bermont.
La statue du Christ-Roi est de Pierre-Dié Mallet.
Pour terminer nous dirons que ce splendide monument
national de la reconnaissance française à Jeanne d’Arc symbolise
l’Épopée johannique. Il est comparable à un grand livre d’Histoire
de France ouvert à toutes les pages.
Nous devons cet article particulièrement
bien documenté à la plume de notre ami Bernard Mugnier, qui est le
rédacteur de l'ouvrage de référence sur la Basilique de Domremy,
ainsi que d'un splendide livre sur la statuaire de Jeanne!